Les Energies de l'âme : Séminaire sur le yoga de la Kundalini donné en 1932 par Carl Gustav Jung

 


Fut un temps où l'on allait écouter C.G.JUNG avec autant de détermination que nous cliquons sur WKPD pour nous instruire des ingrédients permettant de réaliser un bon aligot. Peu importe ce que CGJ pouvait bien raconter, dans le fond : on venait surtout chercher auprès de lui des raisons de se sentir intelligent. Nous éreintons-nous ensuite à croiser nos sources pour vérifier que ce que l'on nous raconte est exact ? Non. Nous souhaitons simplement constater que d'autres se sont fatigués pour nous faire entendre des histoires qui semblent vraies. Ainsi apaisés dans l'harmonie du monde que nous constatons, nous fermons les yeux, et nous oublions tout ce qui fut si coûteusement transmis d'une cervelle à une autre.



Les principaux textes du bouddhisme venaient seulement d'être traduits en allemand lorsque Jung tint ses conférences sur le Yoga de la Kundalinî, soutenu dans son autorité par l'indianiste Hauer. Bien qu'il semble s'intéresser de très près à ces textes – ne nous y trompons pas – il cherche essentiellement à les accommoder à sa sauce jungienne. Ainsi transpose-t-il ces enseignements orientaux à sa théorie de l'individuation comme on fait sauter un mourant d'une civière à un brancard, pour qu'il fuse plus vite à travers les couloirs de la morgue. Cherche-t-il à rendre sa psychologie plus compréhensible en l'ornant de métaphores orientalisantes, alors que personne ne pane rien ni à l'une, ni à l'autre ? Ou cherche-t-il à adapter ces mystérieux traités bouddhistes à l'esprit occidental en les réduisant à la psychologie de l'individuation ? L'exercice est rigolo mais il s'est prolongé sur quatre conférences, ce qui ne laisse pas douter du sérieux de l'entreprise de CGJ. Ceci est fort dommage.




Comme l'écrivit plus tard Gopi Krishna, le principal reproche que l'on puisse faire à CGJ concernant ces conférences c'est que, « entièrement préoccupé par ses propres théories sur l'inconscient, [il] montre qu'il a seulement trouvé dans cet ouvrage – et ce, malgré la parfaite clarté des assertions que celui-ci renferme – matière à corroborer ses idées. […] Les universitaires présents, comme en témoignent les avis exprimés en cette occasion, ont fait preuve d'une totale ignorance quant à la signification réelle du texte classique dont ils ont débattu ». Les questions des participants trahissent en effet tantôt le fayotisme de l'un, tantôt la connerie de l'autre, tantôt le non-pigeage complet de tout ce que leur grand GOUROUJUNG vient de leur raconter. Pour peu que vous cheminiez encore dans d'autres lectures de séminaires jungiens (L'analyse des visions, par exemple), vous constaterez que cette attitude infantile autopromue par le public de CGJ était monnaie courante.



CGJ détaille minutieusement la symbolique de chaque chakra en proie à l'extase d'autoconfirmation. Les symboles qu'il trouve dans le bouddhisme lui rappellent des symboles que le christianisme ou l'alchimie avaient également évoqué, et même si ça ne colle pas toujours très bien, l'incohérence devient prétexte à élévation du sens. Il s'émerveille pour ce que certains pourraient appeler le symbolisme d'une croissance spirituelle qui, à travers l'éveil de la Kundalinî, se fait toujours de la plus grande connerie à la moins grande. Lorsque la Kundalinî sommeille au niveau du chakra racine, ne doutons pas, nous enseigne CGJ, que l'individu vit collé au plancher des vaches, ignorant tout des territoires emmerdants que lui réserve pourtant son inconscient. Mais admettons que sa Kundalinî fasse un petit jet au niveau supérieur ; il aurait alors connu un genre de renaissance, comme le baptême, le petit tilt discret de l'eurêka dans la cervelle jusqu'alors inemployée. Troisième chakra : feu des émotions, etc. Quatrième : conscience que nous ne sommes pas nos émotions. Cinquième : indifférence à tout ça. Et au-delà, couac. Nous ne savons point car nous ne sommes pas encore assez instruits des sphères obscures du spirituel. Il faudra encore dix mille ans environ pour que l'homme espère se hausser à un tel niveau de rien.




Pour conclure, CGJ nous dresse le portrait d'une Kundalinî qui ne s'éveille pas en tout homme. Ainsi en est-il de l'individuation, et voilà pourquoi le spectateur doit assister aux représentations du psychologue. Qui voudrait rester collé aux planchers des vaches ? Maintenant qu'on sait tout ce dont la Kundalinî est capable, il serait bien dommage de s'en détourner. Mais ce n'est pas facile. Accrochez-vous les amis. Pour que l'ascension de la Kundalinî à travers les différents chakras s'effectue, il faut une poussée qui n'est pas si loin de celle que l'on appelle défécatoire. Hauer précisa : « La Kundalinî ne peut être éveillée qu'après que le yogi a maîtrisé tous les « membres » du yoga jusqu'au samadhi, le huitième membre ou palier de cette discipline. Lorsqu'il a achevé l'ensemble du processus et accompli toutes les transformations intérieures qui doivent être amenées par le yoga, alors […] il peut éveiller la Kundalinî. » Assimiler l'individuation à l'éveil de la Kundalinî semble alors quelque peu osé, et plus osée encore la tentation de CGJ de se faire le porte-parole des états de conscience des chakras les plus élevés sur l'échelle de ceux qui seraient accessibles à notre condition. Ce n'est pas la première fois qu'on le voit endosser les habits de celui qui en sait plus que tout le monde et c'est assez amusant.



Au total, on en apprend un peu plus sur les chakras, de près ou de loin, sans savoir bien ce qu'on va pouvoir faire de cette mélasse, mais c'est toujours ça de pris. La lecture rend intelligent, n'est-ce pas ?

Commentaires

  1. J'avais été surpris et exaspéré par le mysticisme du Jung en lisant notamment sa plus ou moins autobiographie. Tu écris bien. Pourquoi cet intérêt critique pour les livres de ce genre ?

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    1. J'ai été une jungienne convaincue avant de le devenir progressivement de moins en moins en approfondissant. Son autobio = Ma vie ?

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    2. Oui, celui-là ! Sinon, j'avais apprécié sa façon d'aborder les rêves dans Essai d'exploration de l'inconscient.

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    3. Il a aussi écrit une "Interprétation des rêves" qui se distingue assez bien de celle proposée par Freud. Pour Edward Glover, la psychologie de Jung est seulement une "psychologie de la conscience".

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  2. Je découvre ton blog, j'aime beaucoup le ton. Je suis aussi en pleine découverte de CGJ (et assez séduite je dois dire) mais je trouve effectivement assez peu de discours contradictoire pour me permettre de m'en faire une idée plus éclairée. Des suggestions ? Merci d'avance !

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    1. Tu cherches des livres qui apportent un regard critique sur Jung ? Tu peux lire "Freud ou Jung ?" d'Edward Glover ou Richard Noll, qui n'y vont pas par 4 chemins (à nuancer encore donc). Et bonne découverte en attendant.

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  3. désolé mais ça ne marche pas très bien. deuxième tentative :
    Vous êtes un peu dure avec Jung. Vous dites vous-même que vous avez été une jungienne. Il vous a fait avancer, n'est-ce pas ? Il vous a nourri. Et aujourd'hui, dites-nous qui serait votre nouvelle source d'inspiration ? (des concombres.... humour potache)

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    1. C'est vrai, mes critiques ne sont pas toujours nuancées. Pour trouver un équilibre, vous pourrez consulter des notes un peu plus élogieuses : https://colimasson.blogspot.com/2016/07/types-psychologiques-de-c-g-jung.html

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  4. Ah ben merde alors, et moi qui venais juste d'acquérir un bouquin de Jung... Je le mets dans une bôîte à livres ?

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  5. Réponses
    1. Merci pour votre travail...
      Pouvez vous nous dire si vous en recommandez cette lecture à des personnes néophytes s’intéressant aux liens entre kundalini et psychanalyse ? Ou, peut être un autre ouvrage ? 🙏

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    2. Ce livre donne des pistes même si certaines interprétations sont très occidentalo centrées (voire psycho-analytico-centrées), comme l'avertit le préfacier.

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  6. Entre un Edward Glove, picsou Methodist créateur de la Portman Clinic intégrée au très fumeux Tavistock institute de Londres , très proche du nom moins fumeux Vauxhall ( MI6) et l'autre dingo de Noll avec son "Christ Aryen" voyant des nazis à tout les coins de rues à la David Vincent dans la série les envahisseurs et qui considère Jung comme « prophète völklich » Wahoua ! il fallait trouver ce nouveau concept mais aussi se prétendant fin connaisseur avec son petit copain Michael Harner du chamanisme en tout genre, peut être un petit effet de culpabilité insoutenable avec l'age vis à vis des autochtones et ne comprenant toujours pas après toute une vie à déblatérer inconsciemment des conneries sous injonction de la CIA, " La vérité vous rendra libre " ( le fric, le poste, les colloques toujours le fric est oui c'est cela la conscience dans toute sa nudité ) qu'en faite les seuls nazis à l'heure actuel c'est lui et ses petits copains . Entre ces deux escrocs et les Archétypes de Jung , il n y a pas photo ! je préfère la " romance "des Archétypes sachant que l'étymologie de romance veut dire aventure chimérique voir en cela le film de Peter Greenaway , Le Ventre de l'architecte , un yankee architecte de Chicago qui décide de terminer son cancer en phase terminal avec ses archétypes à Rome .

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  7. Bonjour, mis a part sa connaissance livresque de kundalini, sauriez vous me dire si Jung a eu un éveil de kundalini, et s'il a pu aller a un éveil complet de cette énergie ?

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