Mort ou pas ? de Pim van Lommel
Pim van Lommel a une idée : la conscience n’est pas
un phénomène matériel dont l’origine se rattache à l’organe du cerveau mais
elle constitue un phénomène global/non-local. Pour soutenir cette hypothèse, il
évoque son expérience de cardiologue qui lui a permis de rencontrer de nombreux
patients témoignant d’expériences de mort imminente.
Raymond Moody avait déjà écrit au sujet de ces
expériences en 1975. Pendant de nombreuses années, les gens s’en foutaient,
environ. Progressivement, au fil du temps et de ses merveilles, un engouement a
transformé le sujet en phénomène quasi populaire. Ça ne veut cependant pas dire
qu’il soit en passe de devenir légitimement reconnu. Au mieux, cet attrait peut
s’avérer symptomatique des angoisses et des attentes d’une population en manque
de repères symboliques – nous nous souvenons de C. G. Jung qui interrogeait l’enthousiasme
autour du phénomène (imaginaire ?) des soucoupes volantes dans les années 1930,
se demandant pour quelle raison un déferlement de témoignages fut déversé à ce
sujet spécifiquement en cette période.
Le bouquin dont il est ici question est moins subtil que
celui de C. G. Jung. Pim van Lommel évolue dans le cadre du discours scientifique.
S’il ne le subissait pas, nous pourrions croire qu’il se fout de notre gueule.
Non content de n’y voir aucune issue, et de n’en chercher aucune, il ajoute une
couche d’émotionnel à ses considérations. Les émotions deviennent l’indice de
la vérité du discours des virtualités scientifiques.
Au titre des arguments les plus fallacieux qui seront ici
présentés comme des avancées scientifiques (acquises par des moyens non
scientifiques), évoquons ceux-ci :
- Les témoignages permettraient de dégager un récit
d’expérience-type générique et donc objectif.
- La survivance de la vie après la mort se
prouverait par le fait qu’après l’expérience de mort imminente, le sujet peut
connaître des changements de personnalité importants.
- Les textes religieux témoigneraient de phénomènes assimilables
à des EMI.
Les objections qui viennent immédiatement à l’esprit,
mais qui ne seront pas évoquées par ce livre, sont les suivantes :
- Dans le détail, aucun récit n’est semblable à un
autre. Certaines étapes ne sont pas unanimement traversées et le milieu
culturel semble influencer l’interprétation et le vécu émotionnel de
l’expérience.
- Les changements de la personnalité sont étudiés parfois
huit ans après l’expérience vécue. Ce laps de temps est cependant suffisant
pour que n’importe quel crétin connaisse de quelconques remaniements de sa
personnalité, d’autant plus que les personnes ayant vécu une EMI ont généralement
traversé au préalable un traumatisme psychologique et/ou physique majeur ayant
conduit à un état de mort cérébrale.
- La lecture des textes religieux visant à favoriser
l’interprétation de la réalité du phénomène des EMI est anachronique et profane
et témoigne d’une absence de rigueur logique qui laisse planer le doute quant à
la solidité de la méthodologie dite scientifique que l’auteur assure déployer.
Pim van Lommel pense que nos définitions de la conscience
sont foireuses. Il n’a sans doute, en cela, pas totalement tort. Il a tort en
revanche de penser qu’il peut faire mieux que ce foirage généralisé. Son
raisonnement se présente de la façon suivante : la mort cérébrale est
censée exclure la conscience, dans sa définition classique. Or, des états de
mort cérébrale se sont accompagnés de conscience puisque les « expérimenteurs »
en ont rapporté des souvenirs. La conscience ne serait donc pas liée à l’activité
cérébrale. PVL ne s’interroge pas sur la nature des impressions temporelles liées
à la conscience. Des souvenirs associés à l’état de mort cérébrale témoignent-ils
forcément d’une simultanéité de la conscience et de cet état ? La
temporalité des deux expériences est-elle similaire ? PVL préfère s’en
remettre à la sacro-sainte théorie de la physique quantique pour recoller les pièces
éparses de l’ensemble au moment où nous commencions à voir couler le pus
suintant de la plaie. Nous nous tapons donc deux ou trois chapitres qui
permettront aux crétins des alpes de croire qu’ils ont compris les fondements
et les principes de physique quantique et nous aboutissons très rapidement à la
conclusion suivante : si les champs et les forces fondamentales de la
physique s’originaient d’un espace non local, comme l’évoque la physique
quantique, alors nous pourrions expliquer les aspects non locaux de la
conscience, tels qu’ils s’expérimentent par exemple dans l’EMI. Ces conclusions
sont fondées uniquement sur un plan terminologique et nous comprenons bien
que le terme de « non-localisation » utilisé dans la physique
quantique a invité PVL à parler à son tour de « non-localisation de la
conscience » pour les états dits de mort cérébrale. L’instrumentalisation
du vocabulaire permet d’en conclure à la réalité qui sied le mieux à celui qui prétend
la prouver.
PVL nous parle ensuite des champs morphogénétiques. Une
expérience a été menée, bien dégueulasse, pour susciter l’étonnement : «
Karl Pribam a démontré qu’on pouvait priver un chat de 90% de son cortex
cérébral ou de 98% de son nerf optique sans l’empêcher d’accomplir des tâches
visuelles complexes ». Bon, il n’existe certes pas de sot métier mais
quand même. Et le peuple scientifique de se gausser : « Ces
expériences permettent de penser que la mémoire et la perception visuelle ne
peuvent s’expliquer que sur la base du principe holographique ». Notre ADN
fonctionnerait pareil : il ferait interface dans chaque cellule (par le
processus de résonance du spin nucléaire, croit-on bon d’ajouter pour nous
impressionner) afin de coordonner l’information dans le sens le plus adapté à
celui que réclame notre corps. Encore une fois, nous assistons à la magie de l’explication
imaginaire qui ne peut être gobée comme telle qu’à condition de laisser tremper
la notion d’information dans le plus vaste flou ontologique ; qu’à
condition de ne jamais s’interroger sur le référentiel à partir duquel nous
pouvons juger qu’un ordre est favorable à notre corps. Approfondissons la
déconnade : l’ADN pourrait être une « macromolécule non statistique
fonctionnant comme une antenne quantique pour la communication non
locale ».
Bref, PVL nous les brise en conspuant le modèle de la
science classique, qui essayait au moins de circonscrire le réel par le
symbolique, et en nous proposant sa pseudo rénovation scientifique par la
physique quantique pour les nuls, modèle purement imaginaire qui ne s’aperçoit
même plus du principe d’illusion qu’il suscite pour approuver les vérités en
lesquelles il veut pouvoir se reposer, définitivement, par ignorance des
déterminations subjectives qui brouillent l’étude de l’objet auquel il se
propose. Voyez cette brillante conclusion et dites-moi si le progrès semble
patent :
« Certaines études prospectives et un grand nombre
d’études rétrospectives d’expériences de proximité de la mort ont montré que
les différents aspects d’une EMI correspondent ou sont analogues à certains des
principes de base de la physique quantique : non-localité, intrication ou
interconnexion et échange instantané d’informations dans une dimension hors
temps et hors lieu ».
De modulo à modulo, le modèle tombe à l’eau.
La NDE avec un éclairage d'un prêtre formé en philosophie : https://youtu.be/SGaEM6VKGNs
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