HISTOIRE DES MYTHES (1971) de Jean-Charles Pichon
Jean-Charles Pichon propose une Histoire des Mythes interprétée
à travers le prisme de l’un des cycles fondamentaux de notre histoire, soit la
période 2160 ans, laquelle correspond au temps que met le point vernal pour
parcourir une constellation du zodiaque.
Les prérequis nécessaires à la compréhension de ses idées sont les
suivants :
- Il est faux de dire que le Temps se dirige uniquement du
passé vers l’avenir, de la cause vers l’effet mais : le Temps se dirige également
de ce qui sera (l’à-venir) à ce qui a été (cause finale). Le mythe traduit une
attirance vers laquelle nous nous dirigeons inéluctablement.
- Il est faux de dire que le passé est uniquement un
mouvement continu alors que l’avenir serait discontinu (parce que constitué de
probabilités) mais : le passé est également discontinu (nous employons des
définitions et des souvenirs pour le rappeler) et l’avenir possède déjà une
dimension de continuité (il nous contient et constitue le chemin sur lequel
nous nous dirigeons).
- Il est faux de dire que passage du passé à l’avenir est
défini par la vitesse mais : le temps résulte d’un mouvement d’inertie.
Jean-Charles Pichon systématise ensuite la classification des
mythes en recourant à la structure de l’électron à titre métaphorique :
- A :
L’état de l’électron se définit par la probabilité de position sur couche
(n/l/m/s) ; l’état du mythe se définit par sa positivé ou sa négativité (+/-).
- B : Le
moment dynamique de l’électron traduit sa quantité de mouvement ; le mythe peut
être décrit selon un aspect dynamique (ondulatoire) ou statique (corpusculaire).
- C :
L’orientation de l’électron varie de +1 à -1 tandis que le mythe se mesure
selon son degré d’entropie ou de néguentropie.
- D : Le
spin traduit le mouvement angulaire de rotation de la particule sur elle-même
et trouve sa réciproque dans la position probable du mythe sur chaque orbite
temporelle.
Jean-Charles Pichon finit par exclure la caractéristique C) qu’il
juge trop difficile à analyser dans toutes ses modalités. Il réalise également une
synthèse de l’état (A) et du mouvement (B) du mythe en créant les entités plus
simples :
-
A(positif) + B(continu) = E1 = élément Air
-
A(négatif) + B(discontinu) = E2 = élément Terre
-
A(négatif) + B(continu) = E3 = élément Eau
-
A(positif) + B(discontinu) = E4 = élément Feu
Il différencie trois sous-catégories de la caractéristique D)
:
- A (Akh =
le Vrai) : Le monde est contenu en Dieu.
- B (Ba =
le Bien) : Dieu est contenu dans le monde par l’image.
- K (Ka =
le Beau) : Dieu est extérieur au monde.
Ces précédentes opérations permettent d’aboutir à l’ensemble
des combinaisons formant douze mythes distincts :
E1 + A
(Balance) / E1 + B (Gémeaux) / E1 + K (Verseau)
E2 + A
(Capricorne) / E2+ B (Vierge) / E2 + K (Taureau)
E3 + A
(Cancer) / E3 + B (Poissons) / E3 + K (Scorpions)
E4 + A
(Bélier) / E4 + B (Sagittaire) / E4 + K (Lion)
Ces mythes sont exclusifs les uns aux autres : ils ne
peuvent coexister au même endroit en même temps. Ils se succéderont dans la boucle
des cycles temporels qui régissent notre histoire.
La durée de l’année astrale, qui est de 25 920 ans, se retrouve
dans les différentes traditions hindoue, méditerranéenne et juive. Elle correspond
au temps nécessaire à l’accomplissement d’une révolution du point vernal. Une
portion de ciel de 360° est divisée en 12 portions égales de 72°, soit 2160
ans, chacune d’entre elles étant associée à une constellation zodiacale. Jean-Charles
Pichon découpe cette grande année en quatre saisons contenant trois de ces
périodes de 2160 ans appelées des « mois ». Il découpe également les
mois en décades influencées par l’activité solaire qui détermine l’éveil ou
l’extinction des aspirations spirituelles de l’humanité. Il décide également d’arrondir
ces chiffres et de commencer son étude à - 20 000 ans en
intégrant des mois de 2000 ans. Puisque la transition d’un signe zodiacal à
l’autre, et puisque les effets concomitants à cette transition, ne se réalisent
pas abruptement du jour au lendemain mais par degrés progressifs, cette
approximation ne semble pas nuisible à la démonstration.
De – 20 000 ans à – 12 000 ans se
succèdent les divinités associées à la dominante zodiacale du Capricorne, puis
du Sagittaire, du Scorpion et de la Balance. L’Histoire, telle que nous la
connaissons comme lutte, commencerait en – 12 000 avec le Grand
Déluge qui sortit l’humanité de l’Éden – nous retrouvons un autre mythe traditionnel :
celui de l’Âge d’or, à l’exception près que cette date correspondant davantage,
d’après la conception védique, à la transition de l’âge d’argent à l’âge de
bronze. L’axe de rotation de la terre variant de 21° à 23° par rapport à l’écliptique
aurait entraîné la disparition de l’éternel beau temps, faisant place à une
série de glaciations qui obligea les hommes à cultiver le sol, à élever des
bêtes et à construire des villes. C’est le moment où la Vierge austère transmet
à l’homme les vertus de la prévoyance.
« […] L’un des caractères constants de la divinité [de la
Vierge] sera la continence, en même temps que la prévoyance ou la préservation.
Dans L’homme et les dieux, suggérant l’idée que la Vierge pût être la divinité
première des glaciations, je notais que cette continence et cette préservation
nous expliqueraient l’étonnant phénomène de la survie de l’homo sapiens pendant
les millénaires où dura le fléau.
[…] Dans cette hypothèse, élevée par les peuples au-dessus de tous les dieux,
la Vierge fût devenue, en effet, la Première ; et ses servants –ou ses
servantes eussent exercé sur tous la tyrannie la plus cruelle en même temps que
la plus nécessaire. L’exigence de ne pas accroître sans limite la population
des grottes n’aurait-elle pu conduire les prêtres à sacrifier l’enfant dès sa
naissance, une fois atteint le nombre prévu ? Sinon à des rigueurs plus
décisives ? »
Suivent ensuite le Lion, le Cancer, les Gémeaux, le Taureau,
le Bélier et le Poissons avec l’avènement de Jésus-Christ sous le signe
conjugué de l’Eau et du Bien. Au cours de chaque grand « mois » de
2160 ans se laisserait sentir l’influence symbolique de la constellation
zodiacale tracée par la ligne imaginaire que parcourt le point vernal. La
divinité associée à la constellation dominerait essentiellement au cours des
500 premières années du grand mois puis, atteignant son apogée, elle choirait
ensuite progressivement au cours des 1500 ans restants tandis qu’au cours des
derniers siècles, l’influence du règne symbolique suivant croît doucement.
Les cycles se réfractent aux niveaux inférieurs, s’enveloppant
mutuellement en d’infinies figures fractales. Le grand mois de 2160 ans
peut lui-même être scindé en différentes périodes constituant autant de sous-phases
cycliques. A présent, et plus de 2000 ans après l’avènement du Christ,
divinité tutélaire de l’âge des Poissons, nous devrions transiter vers l’âge du
Verseau défini comme étant celui de l’indépendance, de la liberté, de la
transgression, le tout accompli dans un désir de fusion universelle et
chaotique, sous le signe de Dionysos et de l’Esprit-Saint. Dans les années
1970, date de l’écriture de l’Histoire des mythes, une telle transition,
dans ses aspects les plus positifs, pouvait sembler possible. Il semble
désormais que tous les qualificatifs de cette période ne puissent être abordés
que sous leur aspect négatif : isolement, matérialisme, annihilation de
toute éthique, indifférenciation et oubli de l’Être. Jean-Charles Pichon ne parle
pas de la conception védique du temps (que René Guénon ou Gaston Georgel ont
présenté à notre entendement) selon laquelle la fin de « notre » âge
des Poissons correspondrait également à la fin de « leur » Kali-Yuga,
c’est-à-dire à l’âge de fer, dernière période du grand cycle du Manvantara
comprenant l’âge d’or, l’âge d’argent, l’âge de bronze et l’âge de fer. Une
fois le Kali-Yuga révolu, le cours de l’histoire serait rompu, symbolisé par la
réalisation de la quadrature du cercle. Un nouveau Manvantara s’ouvrirait,
radicalement autre, dont nous ne pouvons rien dire, et dont nous ne voudrons
rien dire, si tant est qu’ainsi se déploiera un nouvel âge d’or.
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